Récit d'un sportif

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Au fil des jours, je pris un grand plaisir à m'entraîner aux cotés de ceux que je regardais à la télévision quelques mois plus tôt.
En début de saison, le coach proposa à six d'entre nous de partir une semaine à San Sebastian pour disputer trois critériums de mise en jambe, les 10,14 et 17 janvier. Excité par l'idée, je confirmai aussitôt ma présence.

Je déchanta rapidement. Le temps était catastrophique, la pluie et le froid nous glaçaient les os, il n'y avait personne au bord de la route, les parcours étaient longs, complexes et mal gérés. Sur les 114 coureurs au départ, une soixantaine au moins chutèrent dès le premier jour. L'allure était rapide du début à la fin, c'étaient beaucoup d'efforts consentis très tôt dans la saison.
La seule différence entre ces courses et une épreuve amateur...c'était la liste de départ.

J'eu par ailleurs la surprise de retrouver dans un quotidien local le lendemain de la première course, une photo des perdants du jour (Colbrelli et Duque), ou je me trouvais à coté d'eux !

Ce fut d'ailleurs ma seule satisfaction, je pouvais côtoyer des coureurs que j'admirait beaucoup (Fraile, Feillu, Fédrigo, les anciens vainqueurs du Giro Damiano Cunego et Stefano Garzelli). C'était impressionnant.

Du coté des résultats, bien souvent ils étaient arrangés à l'avance dans ce genre de critériums. Le premier jour, course vallonnée, il fallait qu'un espagnol gagne dans sa ville : La victoire fut offerte à Carlos Barbero.
Ce procédé me révoltait, aussi, le second jour, je lança à Romain Feillu dans le final un "Suis ma roue" et j'accéléra après la flamme rouge aussi vite que je le pouvais. Je fis un trou assez conséquent et Romain l'emporta devant Barbero. Je terminai septième de la course. J'étais satisfait d'avoir contrecarré les plans des espagnols.

La veille de la dernière course, le coach me fit comprendre que j'avais carte blanche pour attaquer ou prendre les échappées. Je ne me le fis pas redire une seconde fois et je comptais bien en profiter le lendemain...

Sur ce troisième critérium très vallonné, une échappée se dessina rapidement. Je la pris et rejoignit Tonelli, Corbel ou encore Selvaggi. Je raconta à ce dernier comment, sur un forum de simulation cycliste bien célèbre, je l'avais eu dans mon équipe. Il en fut flatté.

Nous eûmes jusqu'à 5'40'' d'écart mais les équipes des favoris veillaient au grain. De grands noms étaient présents.

Etre en échappée a quelque chose de démoralisant. Nous avions beau rouler de plus en plus vite au fil des kilomètres, l'écart descendait, seconde après seconde, inexorablement. Il n'y avait rien à faire.
Dans la toute dernière montée, j'attaqua violemment, je n'aurais jamais imaginé être capable de déployer une telle puissance. Selvaggi et Corbel sautèrent tout de suite.
Après plusieurs minutes d'efforts intenses, je vis Tonelli en difficulté à son tour, je mis un coup de rein supplémentaire pour le décramponner au train. Je me retournais pour le voir lâcher prise et j'aperçu le peloton à coté de moi, dans l'entrée du virage que je venais de franchir. Il y avait 300 mètres d'écart à peine, c'en était fini.

C'était sans compter les favoris du jour. Txurruka placa une accélération derrière, il fut suivi par l'équipe Bardiani. Le reste du peloton coupa son effort. Nous étions désormais une dizaine à l'avant.
Dans la montée finale, Finetto et Barbin partirent à deux et nous nous regardèrent, personne ne pouvais y aller.

Finetto remporta la course devant son compatriote. Derrière, Bongiorno nous devança et je réussis un beau sprint en montée. 4ème, au pied du podium, le bilan était satisfaisant.

Après ces trois classiques, je pris la décision qu'en tant que cycliste professionnel, je n'y reviendrais jamais. L'ambiance ne m'avait pas plu. Malgré cela, avec un top 10 et un top 5, j'en ressortais grandi. Certains équipiers d'équipes continentales me regardaient d'un autre oeil.

Je demanda à mon coach si je pouvais aller sur les courses prestigieuses qui m'intéressaient réellement comme le Critérium International, Fourmies ou Paris-Tours. Je savais, sans prétention, que j'avais le niveau. Mais il fallait que je fasse mes preuves d'abord. Le sous entendu de sa réponse était clair : Une victoire et tu y seras sélectionné.

Pour les semaines à venir, mon programme était Bessèges puis les GP Sud-Ardèche et Drôme, sur mes routes natales. Mon objectif était simple : Progresser et Gagner !

Le coach m'a donc envoyé à Bessèges en tant que coureur libre, j'avais plus ou moins carte blanche sauf si Hivert demandait mon aide pour les sprints.
De mon coté, j'analysais cette course en deux parties :
- Les trois premières étapes, plus plates que de l'eau Contrex, impossible de tenter quoi que ce soit vu mon domaine de force.
- Les trois étapes suivantes : Deux parcours plus délicats avec un dernier kilomètre en faux plat à chaque fois, puis le chrono autour d'Alès, 10km totalement vallonnés et en solitaire : De quoi mieux me convenir.
Je décida logiquement de garder mes forces lors des trois premiers jours pour tout dépenser lors des trois derniers.

J'étais à nouveau impressionné de courir dans un peloton composé des plus grands qui reprenaient leurs saisons [Magie PCM]. En effet, Froome, Konig ou Pinot et bien d'autres étaient présents au départ.

Lors des deux premières étapes, je restais blotti au coeur du peloton. Dans le final de la seconde, le vent soufflait et des équipes comme la Sky tentèrent des bordures, je m'accrocha comme je pu durant toute l'étape et je dépensa beaucoup de forces. Nous n'étions plus que 26 à l'arrivée dans le temps du vainqueur ! C'était finalement une bonne opération pour moi. Mais à quoi diable pouvait jouer Froome ?

Le troisième jour, Hivert qui pensait pouvoir tenir tête au maillot jaune Nizzolo, vainqueur des deux premières étapes, demanda l'aide de toute l'équipe. Comme Hutarovich, malade, tenait à peine sur son vélo, je fus désigné pour être le dernier lanceur. Je fis de mon mieux pour placer Hivert sur orbite et comme nous avions fait un trou, je bouclais la course à une honorable septième place. Jonathan, lui, termina quatrième, battu par les trois premiers du général dans l'ordre : Nizzolo, Rojas, Haussler.

J'étais déjà bien fatigué mais il ne fallait pas s'arrêter en si bon chemin, j'étais 25ème du général, dans le temps de Nizzolo (30'' derrière avec les bonifications) et j'entrevoyais le maillot blanc. Dans une grande forme, je réussi à me placer correctement et Hivert m'emmena dans le sprint, inversant les rôles par rapport à la veille. Le final était très complexe et c'était plus judicieux. Après un effort quasiment surhumain, je terminais quatrième, au pied du même podium que la veille. Déconcertant ! Chez les amateurs, j'aurais gagné cent fois ce sprint qui paraissait si facile. Et pourtant, les sprinteurs en méforme qu'étaient Nizzolo et Rojas m'avaient dépassé et mis cinquante mètres comme si je n’avançais pas.
Malgré tout, tous le monde vient me féliciter de cette place au pied du podium du jour, je me plaçais de mieux en mieux au général grâce aux places cumulées, car nous étions encore 25 dans le même temps.

Le cinquième jour, étape plane autour d'Alès de 70km, je sentais l'échappée venir. Equipiers fatigués, parcours très facile et très cours, les conditions étaient réunies. Malgré tout, je voulais réussir le chrono du lendemain et je décida de ne pas partir à l'avant. Un groupe de cinq se dégagea, je ne réussit pas à voir qui était dedans mais la rumeur dans le peloton répétait qu'il y avait du beau monde. L'allure semblait calme quand tout à coup, les équipiers s'affolèrent : L'écart était de 2 minutes et 29 secondes sous la bannière des 20 km ! Les machines de guerre des sprinteurs se mirent en marche et l'écart tomba mais à l'avant, Frapporti attaqua et parti en solitaire, prêt pour un chrono de 15km. Nous rattrapâmes les quatre autres fuyards du jour mais nous ne revîmes jamais l'italien. A 5km du but, la tentation était trop forte, alors que l'allure se calmait, je plaça une accélération. Encore une fois, poussé par mes expériences en cadet et en junior, c'était presque trop facile. Mais une nouvelle fois, je déchanta rapidement. Non seulement je ne repris jamais la moindre seconde à Frapporti à l'avant, mais je fus rattrapé dans les derniers mètres par les sprinteurs, terminant 7ème de l'étape remportée par l'italien.

J'arrivais alors au dernier chrono assez entamé physiquement, pour ne pas dire fatigué. Et la concurrence était rude ! Je donna tout ce que je pouvais mais chaque coup de pédale commençait à faire mal, la fatigue accumulée se payait. J'avais également surestimé mes forces et j'étais parti avec un trop gros braquet. Je bouclais ces 10,1km à une 48ème place, dans l'anonymat.

Au final, Froome fit coup double devant Kirienka et König, ses deux coéquipiers. Chavanel fit quatrième. J'étais 23ème du général final à 1'28'' de l'ancien vainqueur du Tour. Je terminais également 6ème jeune à une minute de Tobias Ludvigsson. Ajoutons à cela trois top 10 d'étapes et le bilan était malgré tout satisfaisant.

A suivre, deux classiques sur mes routes de coeur, l'Ardèche et la Drôme ! Ces courses s'annoncent passionnantes et la concurrence rude.